Il y a peu, j’ai eu une discussion très intéressante avec une lectrice pour maisons d’édition. Notre rencontre s’est faite par hasard et je n’ai pas manqué de saisir cette belle opportunité pour la questionner sur les erreurs techniques les plus courantes des manuscrits qu’elle reçoit.
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Il est toujours temps de participer au 1er concours d’écriture du blog Aproposdecriture.
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Rappel : clôture du concours le 30 août 2013 minuit !
PS : les premières nouvelles me sont parvenues. Merci aux participants.
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En échangeant avec elle, j’ai pensé qu’il y avait là certainement quelques bons conseils à prendre pour améliorer les travaux d’écriture et augmenter les chances d’être retenus et publiés, si telle était votre volonté.
Voilà donc un tour d’horizon de ces fameuses erreurs :
1/ Voix active et verbes précis
Écrivez à la voix active. Trop de textes arrivent encombrés de ce genre de lourdeurs. Oubliez donc cette formulation !
Évitez les verbes faibles : « être » et ses variantes était, sont, est.
Recourez à des verbes précis. Par exemple, j’ai relevé 123 façons de « dire ».
- accréditer, affirmer, ajouter, annoncer, apprendre, articuler, assurer, avertir, balancer, bavarder, blaguer, causer, certifier, chanter, chuchoter, colporter, commander, communiquer, confier, confirmer, converser, conseiller, conter, convenir, crédibiliser, crier, débiter, décider, déclamer, déclarer, décommander, découvrir, dégoiser, dénoter, désigner, déterminer, dévoiler, demander, disserter, divulguer, donner, ébruiter, émettre, énoncer, énumérer
- enjoindre, expliquer, exposer, exprimer, faire, formuler, indiquer, insinuer, insister, interjecter, jaser, jaspiner juger, jurer, lâcher, lancer, lire, médire, manifester, marquer, montrer, murmurer, narrer, nommer, objecter, observer
- opposer, ordonner, parler, persuader, plaisanter, polémiquer, porter préconiser, prétendre, prévenir, prévoir, pressentir, proférer, professer, prononcer, propager, protester, publier, réciter, raconter, réfuter, répandre
- répliquer, répondre, rapporter, rétorquer, révéler, recommander, relater
- renseigner, repartir, requérir, retracer, revendiquer, riposter, s’écrier, se permettre, signaler, signifier, solliciter, sommer, souffler, souhaiter
- soutenir, spécifier, stipuler, témoigner, tenter, trahir, trancher
Vous voyez bien, il y a de quoi faire ! Et sans doute en existe-t-il d’autres.
Choisissez le verbe le mieux adapté à la situation.
2 / Montrer et ne pas dire
Pensa, se demanda, considéra, réalisa… sont à proscrire.
Évitez d’être trop intrusif dans vos textes.
Exemple :
Il réalisa qu’il avait atteint la limite. Il devait la tuer.
Sans intrusion :
La limite franchie, il devait la tuer.
3 / Se rappeler que les parties du corps sont pas indépendantes
Vous voyez ce que la lectrice veut dire ?
Les parties du corps ne peuvent pas agir seules. Rappelez que les membres ne bougent pas sans être attachés au corps du personnage.
Exemple :
N’écrivez pas : Ses yeux parcoururent la pièce.
Mais : Sarah parcourut la pièce du regard.
Voyez-vous la différence entre les deux versions ?
Dans la version corrigée, notez que Sarah a provoqué cette action. Ses yeux n’ont pas agi de façon autonome ou indépendamment de sa volonté. C’est elle qui a provoqué l’action de parcourir du regard.
Du détail ? A bien y réfléchir, pas vraiment si vous sentez bien la nuance.
4 / Cause avant effet, réaction avant action, erreurs de syntaxe
Une autre erreur que cette lectrice note souvent, c’est que les auteurs évoquent la réaction à quelque chose – par exemple la peur – avant l’action qui la provoque ou bien décrivent la conséquence avant ce qui l’a provoquée.
Dans une phrase, si vous utilisez quand, alors que, avant, pendant, jusqu’à ce que, après, depuis… soyez certain d’écrire la cause puis la conséquence, ou l’action puis la réaction.
La lectrice précise que parfois, il suffit juste d’interchanger les phrases pour y parvenir.
5 / Ne pas hésiter à utiliser le langage corporel dans le dialogue
Au cours d’un dialogue, pour faire apparaître clairement celui qui parle, donner au personnage une voix caractéristique ou un signe particulier flagrant, utiliser des gestes distinctifs.
Pour cela, mettez par exemple un objet entre les mains de l’un de vos personnages. Utilisez-le de sorte que le lecteur sache clairement qui est en train de s’exprimer. Cette pratique permet :
- identifier celui qui parle
- créer une illusion d’action.
Sachez que le langage corporel est une méthode extrêmement efficace pour toucher le lecteur.
6 / Apprendre à bien dissocier les actions
Que veut dire par là cette lectrice ?
Qu’il faut savoir dissocier les actions, au risque de voir un personnage effectuer l’impossible, au moins physiquement.
Une explication s’impose :
Exemple : Elle appela le commissariat et conduisit jusqu’à l’hôpital.
Peut-elle réellement faire ces deux choses en même temps ? Avec un téléphone portable peut-être mais il est plus probable qu’elle ait d’abord appelé le commissariat puis conduit jusqu’à l’hôpital. Les actions ne sont pas survenues simultanément. Elles étaient séparées. L’une a bien suivi l’autre.
Remarque : la conjonction de coordination « et » est souvent responsable de ce genre d’erreur. Attention !
7 /Ponctuation
N’abusez ni des point d’exclamation ni des points de suspension. Sinon, quand vous en aurez vraiment besoin, ils manqueront de force.
Pour les points de suspensions, ponctuez comme… ceci.
Ou bien à la fin d’une phrase, comme cela…
8 / Créer des personnages mémorables.
Les personnages ne sont pas comme nous mais comme nous voudrions être : admirables, honorables, prévenants, forts et ambitieux — dans leurs pensées mais aussi leurs faits et gestes. Ils ne sont pas parfaits, mais ils sont admirables.
Donnez à chacun une qualité qui rend vos personnages mémorables. Pour les méchants, donnez-en une qui les rachète.
9 / Détaillez les scènes
Montrez aux lecteurs l’endroit où la scène se déroule, où se trouvent vos personnages et ce qu’ils font.
N’hésitez pas à donner des détails concrets et spécifiques. Le lecteur visualisera plus facilement.
Pour cela deux règles
1 / Utilisez les cinq sens (relire l’article : écrire avec les 5 sens) et des détails représentatifs de l’humeur des personnages.
2 / Utilisez des mots qui créent des images distinctes et vivantes dans l’esprit du lecteur. Elles toucheront directement leurs coeurs.
Comment ?
En appliquant deux règles simples :
Primo, ne pas citer directement l’émotion. Secundo, en étant le plus visuel possible afin que lecteurs ressentent eux-mêmes cette émotion
Je vous donne un exemple :
N’écrivez pas : « Il était si triste et avait tellement honte ».
Écrivez plutôt : « Il s’enferma dans la salle de bain, pleura en silence, poings et dents serrés sans même oser affronter son reflet dans le miroir ».
Voyez-vous la différence ? Dans la deuxième version, on ne peine pas à visualiser la scène et à être plus touché.
10 / Intensité
Rappelez-vous bien que les personnages ne pensent pas profondément lorsqu’ils se retrouvent dans des situations intenses ou difficiles mais pensent par à-coups.
Vous donnerez donc plus d’intensité à vos textes si vous écrivez comme pensent vos personnages, par fragments. Vos lecteurs liront ainsi plus vite que ne pensent vos personnages, et vous communiquerez un sentiment d’urgence qui augmentera l’intensité.
11 / Point de vue
Même si la tendance d’aujourd’hui est d’utiliser la troisième personne et les points de vue multiples. C’est-à-dire un point de vue unique qui, à divers moments, passe d’un personnage à l’autre. Je conseille d’utiliser le point de vue du personnage qui a toujours le plus à perdre ou à gagner dans l’hsitoire, car c’est celui qui vous permettra une trame plus riche.
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Voilà ce que j’ai pu recueillir de mon échange avec cette lectrice. J’ai essayé de retranscrire au mieux ses conseils. Certains points peuvent apparaitre comme des détails mais ne dit-on pas justement que les détails font la différence.
Débarrasser votre manuscrit de ces 11 erreurs techniques augmentera certainement vos qualités d’écrivain. Et fournira peut-être encore moins de raison à l’éditeur de refuser votre travail !
Bonjour,
Pourriez-vous détailler le point 5. Je ne vois vraiment pas comment faire. Merci
Bonjour Marie-Noël
Je suppose que c’est le langage corporel qui pose souci. Et pourtant on dit bien qu’un geste vaut mille mots.
Le langage corporel est puissant. J’ai lu un article récapitulatif et bien rédigé sur le sujet à cette adresse : http://fr.wikihow.com/lire-le-langage-du-corps
Ce que je veux dire, c’est que dans le dialogue, vous pouvez identifier la personne la plus nerveuse des deux par exemple en lui donnant tout les signes de la nervosité sans dire untel était nerveux.
Par exemple, l’un de vos personnages tient un livre en main. Il est très nerveux… Il tient fermement le livre. Ses mains sont serrées et blanches.(le geste montre l’intensité de son état).
Si vous avez écrit des dialogues, reprenez-les en introduisant du langage corporel chez les personnages. Le rendu sera plus visuel pour le lecteur. Testez.
C’est bien de connaitre la signification du langage corporel. On peut facilement s’en servir dans l’écriture.
J’espère avoir répondu à votre question.
Bien à vous
Bonjour, merci pour votre blog que je découvre et que je trouve vraiment intéressant . Pourriez-vous donnez un exemple pour le point 10. Merci
Bonjour
Je n’ai pas d’exemple précis à vous donner puisque que ce sont surtout des erreurs que cette lectrice relève dans les manuscrits qu’elle lit. Ce qu’elle a voulu dire – et que j’ai peut-être mal retranscrit-, c’est que trop souvent, dans des situations difficiles, les auteurs font penser leurs personnages comme nul ne pense vraiment. Comment faire une analyse complète de la situation et réfléchir sereinement quand il y a urgence, quand la peur vous pétrifie…
Ainsi, mieux vaut rétablir la réalité de penser et distiller les réflexions comme elles arrivent, par fragments. C’est ainsi que vous créerez l’intensité.
A bientôt sur le blog
Bonjour,
J’essaie d’écrire l’histoire de ma vie et pour ce faire, j’envisage de prendre un nom d’emprunt afin de prendre un certain recul sur le personnage. De prime abord, cette histoire a vocation à être lue par mes enfants voire mon mari. Pensez-vous que cette façon de faire est pertinente? Il me semble que l’histoire les touchant de près, ils se sentiront moins mal à l’aise. Ai-je raison? Surtout qu’au bout du compte, si par hasard, ce document tombait entre les mains d’un étranger, je me sentirai moins contrariée….. Merci de me répondre sur le blog
Bonjour
Je suis écrivain biographe, ainsi vos questions sont parfois celles des personnes que j’aide à écrire leur vie.
Un nom d’emprunt ne suffirait pas à masquer votre réalité auprès de votre entourage. Aucun ne serait dupe.
En revanche, que vous vous sentiez moins contrariée auprès d’un public étranger, ça c’est autre chose. Dans ce cas, le pseudonyme peut avoir son intérêt.
Bien à vous
Merci, cet article est vraiment utile !
11° … La lectrice conseille elle d’utiliser le point de vue du personnage qui a toujours le plus à perdre.
C’est à dire ? Je ne comprend pas quel est ce personnage.
Bonjour
Désolée, j’ai clarifié le point 11. De vous à moi, je ne sais pas trop ce qui s’est produit. merci d’avoir souligné cette incompréhension
L’écriture s’est avant tout un ressenti. Il y autant de styles que de cœurs qui battent. L’écriture n’est pas un certidute, la rigidité et le verbe « devoir“ ne lui vont pas au teint.Le floue existe,le doute aussi, la nuance, le le peut-être, tout ça prend une grande place dans la vie de chacun. Rien n’est jamais sûre dans une existence et c’est pareil dans une histoire et pour leurs personnages. Ceux qui ont la certitude chevillée au corps et qui savent tout avec précision, cela m’a toujours paru louche. Enfin c’est ma vison, je respecte la tienne, qui comporte du vrai d’ailleurs.les afeverbes, les verbes pauvres, pour moi ne sont pas à bannir, mais réduire leur utilisation est préférable en effet. Ta vision est quand même très radicale et définitif dans son propos. Voici un extrait ci-dessous de Victor Hugo, il y a un peu près tout ce que tu conseilles de ne pas faire.
Cosette était laide. Heureuse, elle eût peut-être été jolie. Nous avons déjà esquissé cette petite figure sombre. Cosette était maigre et blême. Elle avait près de huit ans, on lui en eût donné à peine six. Ses grands yeux enfoncés dans une sorte d’ombre profonde étaient presque éteints à force d’avoir pleuré. Les coins de sa bouche avaient cette courbe de l’angoisse habituelle, qu’on observe chez les condamnés et chez les malades désespérés. Ses mains étaient, comme sa mère l’avait deviné, « perdues d’engelures ». Le feu qui l’éclairait en ce moment faisait saillir les angles de ses os et rendait sa maigreur affreusement visible. Comme elle grelotait toujours, elle avait pris l’habitude de serrer ses deux genoux l’un contre l’autre.
Tout son vêtement n’était qu’un haillon qui eût fait pitié l’été et qui faisait horreur l’hiver. Elle n’avait sur elle que de la toile trouée ; pas un chiffon de laine. On voyait sa peau çà et là, et l’on y distinguait partout des taches bleues ou noires qui indiquaient les endroits où la Thénardier l’avait touchée. Ses jambes nues étaient rouges et grêles. Le creux de ses clavicules était à faire pleurer.
Bonjour
Aujourd’hui, les lecteurs aspirent à une écriture différente. Plus de longues descriptions par exemple comme on les trouve dans les classiques. Ce n’est pas moi qui le dis, c’est un fait. Et donc ma position n’est en rien radicale.
A vos succès d’écriture