On me questionne souvent sur les structures de récits. En voilà une, inédite et tellement rare qu’elle mérite quelques mots…

 

 

 

 

 
Dans son roman « 4 3 2 1 » (Actes Sud), Paul Auster inaugure un dispositif narratif inédit en déclinant 4 scénarios possibles pour son personnage. En réalité quatre versions possibles d’une même existence déployée dans un pavé de plus de 1000 pages (et pesant pas moins de 1,259 kg !). Autrement dit dans son 19e roman, Auster réussit le tour de force d’écrire 4 romans en un seul !

 

4 3 2 1

Le chapitre 1.0 commence ainsi :

 

Selon la légende familiale, le grand-père de Ferguson serait parti à pied de sa ville natale de Minsk avec cent roubles cousus dans la doublure de sa veste, il aurait fait route vers l’ouest jusqu’à Hambourg en passant par Varsovie et Berlin et il aurait acheté un billet sur un bateau baptisé l’Impératrice de Chine qui traversa l’Atlantique à travers de rudes tempêtes hivernales pour entrer dans le port de New York le premier jour du xxe siècle. Pendant qu’il attendait d’être interrogé par un agent du service d’immigration à Ellis Island, il engagea la conversation avec un compatriote juif russe. L’homme lui dit : Oublie ton nom de Reznikoff. Il ne t’attirera que des ennuis dans ce pays. Il te faut un nom américain pour ta nouvelle vie en Amérique, quelque chose qui sonne vraiment américain. Comme l’anglais était encore une langue étrangère pour Reznikoff en 1900, il demanda à son compatriote plus âgé et plus expérimenté de lui faire une suggestion. Dis-leur que tu t’appelles Rockefeller, lui répondit l’homme. Tout ira bien avec un nom pareil. Une heure s’écoula, puis une autre et au moment où Reznikoff alors âgé de dix-neuf ans s’assit en face de l’agent de l’immigration pour être interrogé, il avait oublié le nom que l’homme lui avait dit de donner. Votre nom ? demanda l’agent. Se frappant le front de frustration l’immigrant épuisé laissa échapper en yiddish, Ikh hob fargessen ! (J’ai oublié !) Ainsi Isaac Reznikoff commença-t-il sa nouvelle vie en Amérique sous le nom d’Ichabod Ferguson.

 

Cette légende, jusqu’à la rencontre de ses parents et la naissance en 1947 de Ferguson, constitue le premier chapitre, le 1.0 de cette extraordinaire épopée. L’amorce n’a rien de particulier. On retrouve New York et l’écriture de Paul Auster après 7 ans d’absence. Mais ensuite on passe du chapitre 1.0 à 1,1, 1,2, 1,3, 1,4, 2,1, 2,2, 2,3, 2,4 et ainsi de suite sur 7 parties.

Paul Auster nous plonge dans quatre variations biographiques en imaginant les parcours des quatre trajectoires d’Archie Ferguson, petit-fils de l’immigrant. Quatre possibilités pour un seul personnage qui toutes traversent l’histoire américaine des années 1950 et 1960. Et à chaque page la même question surgit : que serait-il arrivé si les événements avaient été différents ?

Cette incroyable construction conduit à une fresque passionnante et vertigineuse avec en toile de fond les fifties et les sixties américaines.

Pour information, Auster dit avoir mis trois ans et demi à écrire ce roman, en travaillant sept jours sur sept, plus ou moins huit heures par jour. Rien d’étonnant qu’il en soit sorti épuisé !

Vous l’avez compris, ce roman m’a emballée (mais je n’ai pas fini de lire !).

Je vous laisse écouter Paul Auster parler lui-même de son roman (vidéo 14’18). Il était l’invité de François Busnel à l’émission de La Grande Librairie (11/01/2018)

 

 

Avez-vous lu 4 3 2 1 de Paul Auster ? Quel est votre avis ?

À vos succès d’écriture…
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