…Cette question est arrivée dans ma boîte mail, il y a quelques jours. La réponse pouvant intéresser tout le monde, je préfère répondre avec un article, plutôt qu’individuellement.
Pour créer le dialogue d’un personnage qui s’exprime mal en français dans un roman, il est essentiel de refléter authentiquement ses difficultés linguistiques tout en maintenant la clarté pour le lecteur.
Voici quelques stratégies et conseils pour y parvenir efficacement :
1/ Simplifier le vocabulaire
Utilisez des mots simples et évitez les termes complexes. Un personnage ayant une maîtrise limitée du français utilisera probablement un vocabulaire de base.
Exemple :
- Correct : « Je suis allé au marché ce matin pour acheter des légumes frais. »
- Avec difficultés : « Je aller marché ce matin, acheter légumes. »
2/ Erreurs de grammaire et de conjugaison
Incorporez des erreurs courantes de grammaire, comme des accords incorrects, des conjugaisons erronées ou l’omission de certains éléments grammaticaux.
Exemple :
- Correct : « Elle a mangé avant de sortir. »
- Avec difficultés : « Elle manger avant sortir. »
3/ Syntaxe simplifiée ou incohérente
Les structures de phrases peuvent être simplifiées ou mal construites, reflétant une compréhension limitée de la syntaxe française.
Exemple :
- Correct : « Quand je serai grand, je veux devenir ingénieur. »
- Avec difficultés : « Quand grand, moi veux devenir ingénieur. »
4/ Utilisation de mots erronés ou faux amis
Le personnage peut utiliser des mots incorrects ou des faux amis (mots qui ressemblent à ceux de sa langue maternelle mais qui ont un sens différent en français).
Exemple :
- Faux ami : Utiliser « library » (anglais) au lieu de « librairie » en français.
5/ Phonétique et orthographe
Parfois, représenter les difficultés de prononciation peut se traduire par une orthographe modifiée, mais avec parcimonie pour ne pas nuire à la lisibilité.
Exemple :
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- Phonétique : « Je vais au bazar » pourrait être écrit « Je vais o bazar ».
- Phonétique : « Je vais au bazar » pourrait être écrit « Je vais o bazar ».
-
6/ Réduction des expressions idiomatiques
Limiter l’utilisation d’expressions idiomatiques complexes qui pourraient être difficiles à maîtriser pour le personnage.
Exemple :
-
-
- Complexe : « Il pleut des cordes. »
- Simplifié : « Il pleut beaucoup.
-
7/ Répétitions et phrases incomplètes
Le personnage peut répéter certaines phrases ou laisser des idées en suspens, indiquant une difficulté à exprimer pleinement ses pensées.
Exemple :
- Incomplet : « Je… je ne sais pas… »
- Répétition : « Je veux, je veux aller là-bas. »
8/ Contexte et indices narratifs
Utilisez le contexte et des descriptions narratives pour aider le lecteur à comprendre ce que le personnage essaie de dire, même si le dialogue lui-même est imparfait.
Exemple :
- Dialogue : « Je manger… beaucoup. »
- Narration : « Il pointa vers la table chargée de plats, essayant d’expliquer qu’il avait vraiment faim. »
9/ Consistance du personnage
Assurez-vous que les erreurs linguistiques sont cohérentes avec le profil du personnage. Si le personnage apprend le français, ses progrès devraient se refléter dans l’amélioration graduelle de son dialogue.
10/ Éviter les stéréotypes et la caricature
Il est important de représenter les difficultés linguistiques de manière respectueuse, en évitant de tomber dans les stéréotypes ou les exagérations ridicules.
Exemple complet :
Dialogue sans difficultés :
« Bonjour, comment allez-vous aujourd’hui ? Je suis très heureux de vous rencontrer. »
Dialogue avec difficultés :
« Bonjour… Comment va? Moi très content vous rencontrer. »
Avec un peu plus de complexité :
« Bonjour… Comment va? Moi, je suis content… vous, rencontrer aujourd’hui. »
Conseils supplémentaires :
- Lire à haute voix : Relisez le dialogue à voix haute pour vérifier sa fluidité et son authenticité.
- Feedback de locuteurs natifs : Si possible, faites relire vos dialogues par des locuteurs natifs pour vous assurer que les erreurs sont réalistes et non offensantes.
- Équilibrer lisibilité et authenticité : Veillez à ce que les erreurs ne rendent pas le dialogue incompréhensible. L’objectif est de montrer les difficultés sans frustrer le lecteur.
En appliquant ces techniques, vous pourrez créer des dialogues authentiques et nuancés pour un personnage qui s’exprime mal en français, enrichissant ainsi la profondeur et la crédibilité de votre roman.
Merci Marie Adrienne, ces dialogues peuvent effectivement sonner faux. Question subsidiaire : comment faire parler un jeune enfant ? Bonne journée à vous
Bonjour tout dépendra de l’âge
Bonjour Marie-Adrienne. Je souhaite donner mon avis sur ce sujet de personnages de roman qui ne s’expriment pas bien dans la langue de l’ouvrage.
Cela pourrait être une caractéristique du personnage concerné, à indiquer une seule fois en description par l’auteur avant sa prise de parole. L’auteur peut être considéré comme son interprète. Il s’oblige alors à écrire correctement les propos dudit personnage dans la langue du roman.
La fidélité des paroles du personnage peut être gardée dans une adaptation cinématographique, ou dans un roman verbalisé.
C’est très important à mon avis que les lecteurs lisent des ouvrages toujours impeccablement rédigés dans la langue de l’auteur même s’il ya des personnages qui ne maîtrisent pas cette langue.
Merci Marie-Adrienne pour ces précisions. Elles rejoignent mon sentiment sur le sujet. Je pense que pour un polar on peut se le permettre. Pour une œuvre littéraire où la forme est primordiale, je tendrais vers le commentaire de Barry en m’orientant vers le narrateur.
OUI Aimé, dans cet article, j’ai voulu évoquer toutes les possibilités. Après, le commentaire de Barry est tout à fait juste
Bonsoir, Je vous remercie pour cet article des plus intéressants. J’écris intégralement en langue française un roman qui se déroule principalement aux USA et dont les personnages sont américains. Or, l’un d’entre eux vivra un an à Paris. Comment écrire les dialogues sur cette partie selon vous ?
Merci pour votre message et votre question très intéressante !
Lorsque l’on écrit un roman en français, le lecteur accepte d’emblée une convention implicite : tout ce que disent vos personnages est « traduit » pour lui, même si, dans l’histoire, ils parlent anglais. C’est donc tout à fait naturel de rédiger leurs dialogues en français, y compris lorsque l’un de vos personnages se trouve à Paris.
Ce qui fera la différence, ce n’est pas tant la langue que vous utilisez (restez en français pour la fluidité), mais les petites touches culturelles que vous y glisserez :
Un mot ou une expression en anglais qui reflète l’identité américaine du personnage.
Une remarque narrative pour indiquer qu’il parle « dans un français hésitant ».
Une tournure un peu maladroite qui suggère qu’il n’est pas tout à fait à l’aise avec la langue de Molière.
Ainsi, le lecteur n’est pas perdu et garde le plaisir de lecture, tout en percevant les nuances linguistiques et culturelles de vos personnages.
En résumé : écrivez en français, et jouez sur les détails pour donner la saveur des langues et des cultures.
Bonne continuation et belles pages à vous !