Il y a plusieurs mois, Betsy, abonnée au blog, m’a posé cette question : Le texte  littéraire traduit ne perd-il pas un peu de sa matrice ? Autrement dit où se situe la frontière entre l’interprétation que le traducteur peut s’autoriser et la fidélité à l’œuvre ?

 

 

 

 

 

La traduction d’une oeuvre

 

J’ai trouvé cette question très intéressante mais je n’ai jamais eu le temps d’y répondre. La nouvelle traduction française du roman « Autant en emporte le vent » de Margaret Mitchell relance le débat de la fidélité de la traduction d’une oeuvre par rapport au texte d’origine.

 

Peut-être ne le savez-vous pas mais la France est l’une des championnes du livre traduit. Environ 1500 romans traduits sont publiés par an en France.Mais derrière les chiffres, ce qui nous préoccupe, c’est la traduction, elle-même.

 

Car une traduction de roman ne se fait pas de manière littérale et ne se réduit pas à une traduction mot à mot du texte de l’auteur. La difficulté du traducteur reste d’apprivoiser le texte pour en capter sa portée et lui rendre toutes ses nuances. Mais aussi que le traducteur épouse la façon d’écrire de l’auteur.

 

L’art du traducteur est ambigu

 

Je dirai ambigu et… ardu.

Car pour bien traduire un texte, il faut en faire une lecture analytique détaillée et situer le roman à l’époque où il a été écrit.

Rappelons qu’une langue est en mouvement perpétuel.

 

Et c’est un des points de la polémique qui monte autour de cette nouvelle traduction du roman de Margaret Mitchell, Autant en emporte le vent, surtout après que des manifestations dans le monde entier dénonçant les violences policières et le racisme dont sont encore victimes les descendants d’esclaves. Car le roman se situe dans le milieu des riches planteurs esclavagistes du sud des États-Unis pendant la guerre de Sécession.

 

 

Nouvelle traduction d’Autant en emporte le vent

 

Depuis sa parution en 1936, ce roman n’aura jamais autant fait couler d’encre. Le jeudi 11 juin est paru en France chez Gallmeister, éditeur français spécialisé en littérature américaine, une nouvelle traduction du roman (tombé dans le domaine public).

 

Et la première question qu’on peut se poser : comment retraduire un monument de la littérature américaine, prix Pulitzer de la fiction en 1937, vendu à plus de 30 millions d’exemplaires dans le monde ?

 

Ce qui a changé avec la nouvelle traduction…

 

En 1939, Pierre-François Caillé, le premier traducteur avait choisi de faire parler les esclaves en langage « petit nègre » comme il le disait. Mais il faut se replonger dans l’époque. En 1939, nous étions encore au temps des colonies, dans l’ambiance de la revue nègre de Joséphine Baker et des stéréotypes raciaux repris dans la publicité et d’autres domaines.

 

Les difficultés de la traduction et sa fidélité au texte d’origine

 

Pour Josette Chicheportiche, la nouvelle traductrice du célèbre roman, ce choix était lié à l’époque et non au texte d’origine.

Son travail de traduction a demandé un an de travail. Elle a eu la difficile tâche de revisiter une oeuvre, superbe et flamboyante, mais aussi terriblement datée et scandaleuse dans sa façon de décrire les rapports raciaux dans le Sud esclavagiste.

 

Pour cette nouvelle traduction, Josette Chicheportiche s’est détachée de la première traduction française et ce dès la première phrase !

En anglais, le roman s’ouvre sur cette phrase :  » Scarlett O’Hara was not beautiful”.

 

Que Pierre François Caillé avait traduit par “ Scarlett O’Hara n’était pas d’une beauté classique ».

Et Josette Chicheportiche par :   » Scarlett O’Hara n’était pas belle”, ce qui de fait semble une traduction plus appropriée.

 

La traductrice a ensuite été confrontée à la difficulté de traduire le parler des esclaves noirs américains.  Un vrai défi ! Car ce parler n’était ni un argot ni un dialecte mais bien  une langue spécifique. Il lui adonc fallu rendre ce parler en français en sachant qu’on n’en a aucun équivalent en français.

Pierre-François Caillé l‘avait retranscrit lui de façon très caricatural.

 

Josette Chicheportiche a également remplacé le mot « nègre » par noir dans le roman. Mais avec cette nouvelle traduction, son objectif n’était pas de gommer ou d’édulcorer le roman, car malgré ces modifications,Scarlett Ohara reste aussi agaçante que dans la première.

 

Tout cela pour dire qu’un roman reste toujours ancré dans un pays, une région, une langue, une époque et aussi dans la tête du traducteur. Voilà les vraies problématiques du métier de traducteur. Et je me dis que ca doit être très difficile de rester 100% fidèle à une oeuvre compte tenu de tous les paramètres qui entrent en jeu.

 

Je suis curieuse de lire votre avis sur le sujet. La zone commentaires est ouverte…

 

 

À vos succès d’écriture…

 

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