De temps en temps, on découvre çà et là de nouvelles règles d’écriture. Le problème, c’est qu’à force, personne ne sait plus quelles sont les vraies règles. Et en matière d’incises, chacun fait ce qu’il veut !

 

 

 

 

Qu’est-ce qu’une incise ?

 

Les incises servent à rapporter des paroles en commençant par la citation, puis en intercalant une inversion comme dit-il, a-t-elle ajouté, a déclaré la victime.

Le procédé est simple.

Au lieu d’écrire, en style direct, La victime a déclaré : « Cet homme s’est brutalement jeté sur moi » ou, en style indirect, La victime a déclaré qu’un homme s’était brutalement jeté sur elle, où les paroles rapportées jouent le rôle de complément d’objet du verbe déclarer.

On remplace l’ordre normal sujet-verbe-complément par l’ordre complément-verbe-sujet : « Cet homme s’est brutalement jeté sur moi », a déclaré la victime.

Quand on renverse l’ordre sujet-verbe-complément, c’est en général pour des raisons stylistiques, par exemple pour rompre la monotonie.

Avec l’incise, l’idée est de mettre en valeur la citation, de donner de l’importance aux paroles qu’on cite.

Le but est donc une figure de style, une façon plus expressive de dire les choses.

 

Vu que l’accent est mis sur la citation, en principe, l’incise doit passer plus ou moins inaperçue. C’est pourquoi des verbes déclaratifs comme dire ou déclarer, dont le sens presque neutre est simplement d’indiquer qui parle, font si bien l’affaire. Ils s’effacent en quelque sorte devant la citation.

Les deux principes de base de l’incise sont donc :

  • relief de la citation
  • discrétion de l’incise.

Il découle donc que les verbes les plus simples à employer en incise sont les verbes déclaratifs qui sans inversion se construisent avec que.

Outre dire et déclarer, on peut utiliser préciser, répondre, affirmer, s’exclamer, expliquer, annoncer, demander, indiquer, écrire, faire observer, faire valoir, répliquer, assurer, concéder, espérer, penser, raconter, souligner, etc. La liste est longue.

 

Mais l’usage de l’incise s’étend à d’autres verbes comme commencer, insister, continuer, poursuivre et s’interroger qui, contrairement aux précédents, n’ont pas de lien syntaxique évident avec la citation, puisqu’ils ne se construisent pas avec que : commencer que ou insister que seraient de toute évidence des fautes de syntaxe.

Ainsi dans une phrase comme « La seule manière de réduire le décrochage des élèves est de suivre chacun individuellement », a insisté le proviseur. Le verbe insister est en fait un raccourci pour insister sur le fait que. De même pour les autres : commencer par dire, continuer par dire, et ainsi de suite.

Ces ellipses ont ouvert la porte à d’autres verbes qui décrivent la façon dont les paroles sont prononcées ou qui expriment un sentiment, comme crier, ordonner, menacer, protester, s’indigner, s’étonner, se plaindre.

C’est pourquoi la phrase « Le décret pourrait mettre un terme à toutes importations de Chine », a menacé le ministre est correcte, puisque menacer consiste à proférer des paroles sur un ton menaçant. De même protester c’est dire en manifestant son opposition, s’étonner dire en exprimant de l’étonnement.

Tous ces raccourcis sont des usages consacrés depuis longtemps par les dictionnaires et les ouvrages de grammaire.

Peu à peu, les verbes intransitifs, comme mentir se sont invités au processus. Leur emploi est audacieux puisque, par définition, la citation ne peut être considérée comme le complément du verbe, et de ce fait n’a plus aucun lien syntaxique avec l’incise.

La liste des verbes d’incise s’est encore enrichie avec des verbes proches ou éloignés du verbe dire. Le Grevisse, par exemple, précise que le verbe de l’incise peut n’avoir aucun lien syntaxique avec la citation, à condition que ce verbe « se superpose l’idée de dire ».

Et c’est ainsi que les tournures comme le remercia-t-il, s’emporte-t-il, tremble-t-il apparaissent peu à peu dans les textes voyant dans tremble-t-il le raccourci de dit-il en tremblant.

Pour vous aider, voilà 53 synonymes du verbe dire que vous pouvez employer à souhait dans vos dialogues en restant dans la règle de base de l’incise :

 

suggérer

articuler

affirmer

déclarer

hurler

confirmer

hasarder

hésiter

s’émerveiller

rappeler

annoncer

énoncer

s’écrier

grogner

lancer

souffler

envoyer

confier

 

bégayer

sangloter

s’énerver

répondre

marmonner

prononcer

râler

répliquer

conseiller

protester

crier

chuchoter

ordonner

haleter

continuer

commencer

plaisanter

trancher

 

murmurer

susurrer

pleurnicher

indiquer se

moquer

hoqueter

demander

insinuer

proposer

terminer

céder

approuver

consoler

enchaîner

triompher

radoter

balbutier

dire

 

 

J’en conviens, pas si facile de rester dans la pureté de la règle d’incise.Les liens de parenté de certains verbes avec dire ne sont en effet pas évidents. Par exemple, ricaner, taquiner.

Exemple, la phrase Vous craignez de tout louper ! le taquina-t-elle ; pourtant des taquineries peuvent bien être des propos destinés à provoquer quelqu’un.

Alors, doit-on bannir la phrase « Depuis des mois, le taux de chômage ne progresse plus, se réjouissait jeudi le ministre du travail » ou « Sa concentration reste imperturbable », s’amuse le coach sous prétexte que ces verbes n’ont aucun lien avec l’idée de dire ? Mais n’expriment-ils pas un sentiment au même titre que s’indigner ou s’étonner ?

La difficulté provient en partie du fait que, même si on emploie des verbes qui n’impliquent pas l’idée de parler, on la perçoit par le contexte, puisqu’elle est impliquée par le fait que l’on rapporte des paroles.

On reste quand même mal à l’aise devant des emplois comme « On a voulu éviter les achats de médicaments sans contrôle sur Internet », justifie le docteur Item ou encore L’ouragan menace ! analyse le météorologiste, et même Notre recours en cassation était justifié, a réagi l’avocat.

 

Ces formulations sont choquantes d’un point de vue stylistique. Leur sens est si lourd, et leur emploi si éloigné de l’usage courant, que c’est l’incise elle-même qui est mise en valeur, maladroitement surchargée d’expressivité. C’est comme si on avait remplacé les dit-il monotones par des verbes si criards qu’on se demande pourquoi l’auteur a pris la peine de donner la première place dans la phrase à la citation.

Mais ces incises sont beaucoup plus une manie qu’une mode. L’usage se fait parfois un point d’honneur à contredire les règles !

 

Autre liberté avec les incises

 

Aimé, lecteur du blog, m’a envoyé un mail il y a quelque temps. Il disait avoir relu le roman de Stephen King « 22/11/63 ». S’il semblait avoir apprécié le livre, il s’est trouvé déconcerté en lisant certaines des incises.

 

– C’est exact, j’ai dit. Et c’est notre rôle de leur apprendre.

– Al », j’ai dit.

– Pas de problème », ai-je dit d’assez bonne grâce.

 

« T’occupe pas de ça pour le moment, m’a-t-il dit.

« Si c’est un vrai, alors il est ancien, j’ai remarqué.

« Des bouffées de chaleur, ou un truc du genre, il m’a dit.

 

Stephen King commence par le sujet, parfois par le verbe. Les incises commençant par le sujet  « sonnent » curieusement aux oreilles. Vous ne trouvez pas ?

Cette utilisation de la forme sujet-verbe sans inversion est aussi caractéristique de l’œuvre de Céline, qui l’utilise avec une grande fréquence

Qu’en pensez-vous ? J’attends vos commentaires…

Dans un prochain article, j’indiquerai comment comment présenter les incises.

 

À vos succès d’écriture…

 

L’article vous a plu… Merci de le partager !

 

 

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