Quand on raconte une histoire, on peut revenir en arrière ou raconter à l’avance un événement (c’est ce qu’on appelle l’anticipation) et même ne rien en dire (c’est ce qu’on appelle l’ellipse). Faisons un tour de la caisse à outils de l’écrivain…

 

 

Retour arrière, anticipation, ellipse, l’écrivain dispose de nombreux outils pour agir sur le rythme de son récit. Tous ces outils permettent de créer le suspense et de maintenir l’intérêt du lecteur au fil des pages.

 

1/ Le retour en arrière

 

On ne raconte pas nécessairement une histoire en suivant l’ordre chronologique des événements (le début, le milieu, la fin).

Ainsi, par exemple, L’Île mystérieuse ne commence pas par le début, mais par le milieu. On a ce qu’on appelle un début in medias res. Pour information, on appellera début in ultima res, un récit commençant par la fin de l’histoire.

Un début in medias voire ultima res est généralement suivi d’un retour en arrière (on dit également analepse ou encore flash-back). Ce retour a souvent valeur explicative.

Le retour en arrière apportera donc des informations petit à petit, permettant au lecteur de comprendre au fur et à mesure (selon le bon vouloir du narrateur) le début in medias res ou ultima res.

Exemple de retour en arrière, extrait du roman La Nuit du renard de Marie Higgins Clark.

« Il s’était douché, rasé, et avait mis le costume de tergal vert qu’il portait en arrivant à l’hôtel la veille au soir. La pensée que le jour était enfin arrivé avait fait trembler sa main et il s’était légèrement coupé la lèvre en se rasant. Il saignait encore un peu, le goût salé dans sa bouche lui donna un haut-le-cœur.
Il avait horreur du sang. »

Dans cet exemple, on oppose les imparfaits aux plus-que-parfaits. Le plus-que-parfait est utilisé pour exprimer des événements antérieurs à ceux évoqués à l’imparfait. Autrement dit, tout ce qui est au plus-que-parfait s’est passé avant ce qui est à l’imparfait et signale un retour en arrière.

 

B / L’anticipation

 

Inversement, il est possible d’annoncer à l’avance un événement qui fera bientôt l’objet d’un récit détaillé. Mentionner cet événement a pour but de créer un effet de suspense.

Voici un exemple tiré de Le Monde perdu de Conan Doyle :

« Ainsi nous étions tous quatre sur le pays de nos rêves, le monde perdu, le plateau découvert par Maple White. Nous eûmes l’impression de vivre l’heure de notre triomphe personnel. Qui aurait pu deviner que nous étions au bord de notre désastre ? Laissez-moi vous dire en peu de mots comment la catastrophe survint. »

À ce stade du récit, la catastrophe n’a pas encore été racontée, mais le narrateur annonce qu’elle va avoir lieu. On parle alors d’anticipation (on dit aussi prolepse ou flash-foward).

On remarquera l’utilisation du conditionnel, c’est-à-dire d’un futur vu du passé (aurait pu) souvent utilisé dans les anticipations.

 

C / L’ellipse

 

Si l’auteur peut revenir en arrière dans son récit ou l’anticiper, il peut également passer sous silence un ou plusieurs événements. Il y a donc un vide dans le récit : quelque chose s’est passé, mais n’a pas été raconté. C’est une ellipse.
Il existe deux types d’ellipses :

1 / L’ellipse grammaticale : omission d’un mot ou d’un verbe. Souvent cet usage de la figure n’est pas destiné à produire un effet particulier, il s’agit avant tout de faire l’économie d’une répétition souvent par une énumération :

Ex « Pierre mange des cerises, Paul des fraises » : ellipse du verbe « manger » conjugué
2 / L’ellipse narrative : qui consiste à supprimer certains éléments de l’histoire, ce qui produit un effet d’accélération du rythme narratif.

 

Exemple 1 :

Dans Germinal, par exemple, alors qu’Étienne et Catherine sont prisonniers d’une galerie de mine depuis dix jours, Zola écrit :

« Deux jours se passèrent, elle n’avait pas remué, il la touchait de son geste machinal, rassuré de la sentir si tranquille. Étienne ressentit une secousse. Des voix grondaient, des roches roulaient jusqu’à ses pieds. Quand il aperçut une lampe, il pleura… »

Le récit fait donc l’ellipse de l’arrivée des secours, épousant ainsi la somnolence du personnage (le lecteur est aussi surpris que lui par ce salut inespéré).

 

Exemple 2

La plus célèbre des ellipses est celle permettant à Gustave Flaubert dans L’Éducation sentimentale de faire l’économie de plusieurs années de la vie du personnage principal Frédéric Moreau, à la suite de la mort de Dussardier tué par Sénécal et qu’il résume par une phrase :

« Il voyagea.
Il connut la mélancolie des paquebots, les froids réveils sous la tente, l’étourdissement des paysages et des ruines, l’amertume des sympathies interrompues.
Il revint.
Il fréquenta le monde, et il eut d’autres amours, encore. Mais le souvenir continuel du premier les lui rendait insipides ; et puis la véhémence du désir, la fleur même de la sensation était perdue. Ses ambitions d’esprit avaient également diminué. Des années passèrent ; et il supportait le désœuvrement de son intelligence et l’inertie de son cœur.
Vers la fin de mars 1867, à la nuit tombante, comme il était seul dans son cabinet, une femme entra. »

 

Ces trois figures de style vous seront très utiles pour écrire vos histoires. Aussi mieux vaut bien les connaître et les maîtriser.

 

À vos succès d’écriture…

 

 


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