Dans un commentaire, une lectrice m’a demandé de parler de la didascalie. Comme d’habitude, je préfère répondre par un article et faire profiter tout le monde. Pour les lecteurs qui connaissent déjà le terme, l’article fera un rappel. Pour les autres, il enrichira leur vocabulaire littéraire.

 

 

 

1 / Didascalie : définition

 

Une didascalie est une simple indication donnée par l’auteur au réalisateur, au metteur en scène et aux comédiens dans le texte d’une pièce de théâtre ou de scénario d’un film.

Les phrases de didascalies concernent la représentation et précisent la façon de jouer : gestuelle, attitude, voix, décor, vêtements, accessoires.

Les didascalies sont intercalées dans le dialogue ou le scénario, mais n’en font pas partie. Elles sont notées le plus souvent en italique, en gras ou entre parenthèses et ne sont pas prononcées par les personnages-comédiens sur scène !

Les didascalies permettent juste à l’auteur de la pièce de communiquer par écrit avec le metteur en scène, de lui donner des conseils. Libre à lui ensuite de les suivre ou non. Rien ne l’y oblige.

Remarque : dans un roman ou une nouvelle, on n’utilise pas ce type d’instruction.

2 / Les différents types de didascalies

 

Au théâtre, il existe divers types de didascalies. Les principales sont :

  • les didascalies initiales
  • les didascalies fonctionnelles

 

A) Les didascalies initiales :

 

Après le titre de la pièce, les didascalies initiales comportent la liste des personnages.

Elles précisent les liens de parenté, d’amitié ou de hiérarchie entre les personnages. Elles donnent aussi des informations sur leur âge, leur caractère, leur costume, le lieu et le moment de l’action au lever de rideau.

Exemple :

RUY BLAS – Victor Hugo – 1838

 

ACTE PREMIER

Don SALLUSTE

Le salon de Danaé dans le palais du roi, à Madrid. Ameublement magnifique dans le goût demi-flamand du temps de Philippe IV. À gauche, une grande fenêtre à châssis dorés et à petits carreaux. Des deux côtés, sur un pan coupé, une porte basse donnant dans quelque appartement intérieur. Au fond, une grande cloison vitrée à châssis dorés s’ouvrant par une large porte également vitrée sur une longue galerie. Cette galerie, qui traverse tout le théâtre, est masquée par d’immenses rideaux qui tombent du haut en bas de la cloison vitrée. Une table, un fauteuil, et ce qu’il faut pour écrire.
Don Salluste entre par la petite porte de gauche, suivi de Ruy Blas et de Gudiel, qui porte une cassette et divers paquets qu’on dirait disposés pour un voyage. Don Salluste est vêtu de velours noir, costume de cour du temps de Charles II. La toison d’or au cou. Par-dessus l’habillement noir, un riche manteau de velours vert clair, brodé d’or et doublé de satin noir. Épée à grande coquille. Chapeau à plumes blanches. Gudiel est en noir, épée au côté. Ruy Blas est en livrée. Haut-de-chausses et justaucorps bruns. Surtout galonné, rouge et or. Tête nue. Sans épée.

Scène première – Don Salluste De Bazan, Gudiel ; par instants Ruy Blas.

DON SALLUSTE.
Ruy Blas, fermez la porte, – ouvrez cette fenêtre.
              Ruy Blas obéit, puis, sur un signe de don Salluste,
il sort par la porte du fond. Don Salluste va à la fenêtre.
Ils dorment encor tous ici, – le jour va naître.
              Il se tourne brusquement vers Gudiel.
Ah ! C’est un coup de foudre ! … – oui, mon règne est passé,
Gudiel ! – renvoyé, disgracié, chassé ! –
Ah ! Tout perdre en un jour ! – l’aventure est secrète
Encor, n’en parle pas. – oui, pour une amourette,
– Chose, à mon âge, sotte et folle, j’en convien ! –
Avec une suivante, une fille de rien !
Séduite, beau malheur ! Parce que la donzelle
10 – Est à la reine, et vient de Neubourg avec elle,
Que cette créature a pleuré contre moi,
Et traîné son enfant dans les chambres du roi ;
Ordre de l’épouser. Je refuse. On m’exile.
On m’exile ! Et vingt ans d’un labeur difficile,
Vingt ans d’ambition, de travaux nuit et jour ;
Le président haï des alcades de cour,
Dont nul ne prononçait le nom sans épouvante ;
Le chef de la maison de Bazan, qui s’en vante ;
Mon crédit, mon pouvoir ; tout ce que je rêvais,
20 – Tout ce que je faisais et tout ce que j’avais,
Charge, emplois, honneurs, tout en un instant s’écroule
Au milieu des éclats de rire de la foule !
Gudiel.
Nul ne le sait encor, monseigneur.
Don Salluste.
                            Mais demain !
Demain, on le saura ! – nous serons en chemin.
Je ne veux pas tomber, non, je veux disparaître !
              Il déboutonne violemment son pourpoint.
– Tu m’agrafes toujours comme on agrafe un prêtre,
Tu serres mon pourpoint, et j’étouffe, mon cher ! –
              Il s’assied.
Oh ! Mais je vais construire, et sans en avoir l’air,
Une sape profonde, obscure et souterraine !
30 – Chassé ! –
              Il se lève.
Gudiel.
              D’où vient le coup, monseigneur ?
Don Salluste.
                                          De la reine.
Oh ! Je me vengerai, Gudiel ! Tu m’entends.
Toi dont je suis l’élève, et qui depuis vingt ans
M’as aidé, m’as servi dans les choses passées,
Tu sais bien jusqu’où vont dans l’ombre mes pensées,
Comme un bon architecte, au coup d’oeil exercé,
Connaît la profondeur du puits qu’il a creusé.
Je pars. Je vais aller à Finlas, en Castille,
Dans mes états, – et là, songer ! – pour une fille !
– Toi, règle le départ, car nous sommes pressés.
40 -Moi, je vais dire un mot au drôle que tu sais.
À tout hasard. Peut-il me servir ? Je l’ignore.
Ici jusqu’à ce soir je suis le maître encore.
Je me vengerai, va ! Comment ? Je ne sais pas ;
Mais je veux que ce soit effrayant ! – de ce pas
Va faire nos apprêts, et hâte-toi. – silence !
Tu pars avec moi. Va.
              Gudiel salue et sort. – don Salluste appelant.
              – Ruy Blas !
Ruy Blas, se présentant à la porte du fond.
                            Votre excellence ?
Don Salluste.
Comme je ne dois plus coucher dans le palais,
Il faut laisser les clefs et clore les volets.
Ruy Blas, s’inclinant.
              Monseigneur, il suffit.
Don Salluste.
                            Écoutez, je vous prie.
50 – La reine va passer, là, dans la galerie,
En allant de la messe à sa chambre d’honneur,
Dans deux heures. Ruy Blas, soyez là.
Ruy Blas.
                                          Monseigneur,
J’y serai.
Don Salluste, à la fenêtre.
Voyez-vous cet homme dans la place
Qui montre aux gens de garde un papier, et qui passe ?
Faites-lui, sans parler, signe qu’il peut monter.
Par l’escalier étroit.
              Ruy Blas obéit. Don Salluste continue
en lui montrant la petite porte à droite.
              – avant de nous quitter,
Dans cette chambre où sont les hommes de police,
Voyez donc si les trois alguazils de service
Sont éveillés.
Ruy Blas. Il va à la porte, l’entr’ouvre et revient.
              Seigneur, ils dorment.
Don Salluste.
                                          Parlez bas.
60 – J’aurai besoin de vous, ne vous éloignez pas.
Faites le guet afin que les fâcheux nous laissent.

Entre don César De Bazan. Chapeau défoncé. Grande cape déguenillée
qui ne laisse voir de sa toilette que des bas mal tirés et des souliers crevés.
Épée de spadassin.
Au moment où il entre, lui et Ruy Blas se regardent
et font en même temps, chacun de son côté, un geste de surprise.

              Don Salluste, les observant, à part.
Ils se sont regardés ! Est-ce qu’ils se connaissent ?
              Ruy Blas sort.

 

B) Les didascalies fonctionnelles :

 

Les didascalies fonctionnelles définissent avant chaque réplique, l’identité de celui qui parle et, à l’intérieur du dialogue, la personne à qui la parole est adressée.

Elles indiquent également le découpage de l’œuvre en actes et en tableaux et les unités de jeu (scènes, fragments, fréquences).

Enfin, elles précisent les entrées et les sorties des personnages, leurs mimiques, leurs gestes…

Dans l’exemple de Ruy Blas, les didascalies sont dans le dialogue, en italique.

 

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À vos succès d’écriture…

 

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