L’un n’écrit qu’à l’encre bleue, l’autre enfile son pantalon de jogging, un troisième installe la cafetière  à proximité, un autre s’entoure de paquets de biscuits… on ne se lance pas sans appréhension dans l’écriture. C’est pourquoi les écrivains mettent en place toutes sortes de rituels et de manies censés favoriser l’inspiration et la chance.

 

 

Tics et manies

 

Tics et manies, obsessions et phobies, rituels et pensées magiques… L’écrivain est un être comme les autres. À ceci près : il écrit. Sur papier ou sur ordinateur. Dans un lieu précis ou n’importe où. Le jour ou la nuit. Dans un bazar sans nom ou un rangement monacal.

À chacun sa béquille psychique pour lutter contre l’angoisse de la page blanche. Colette n’écrivait que sur du papier bleu. La romancière Camille Laurens, elle, se jette à l’eau en écrivant toujours les deux dernières pages du livre.

Une minorité au sein des écrivains réfute cette idée de rituel. Régis Jauffret, auteur d’Univers, univers (Verticales) n’avoue aucune superstition. Marie Darrieussecq est de cet avis. Si l’auteur de Truismes (P.O.L) a eu tôt dans sa vie d’écrivain quelques manies – écrire avec le même stylo, le matin et dans le silence – être passée sur le divan du psychiatre les a évacuées.

Hormis ces deux rétifs au rituel, la plupart des romanciers confient avoir besoin d’un dispositif spécifique. Édmonde Charles-Roux enfile des chaussettes de laine, trop petites et toujours du même modèle avant d’écrire. Elle confie tenir cette extravagance de Salvador Dalí.

Dominique Fabre, auteur de Pour une femme de son âge (Fayard), avoue ne pas pouvoir écrire chez lui. Sa famille n’est pas en cause mais il lui faut un lieu anonyme, un atelier, une chambre de bonne, la maison d’une amie partie en vacances. Tout sauf son domicile.

Lydie Salvayre pousse plus loin le bouchon du nomadisme. Elle écrit n’importe où. « Plus c’est n’importe où, mieux c’est », explique l’auteur de Passage à l’ennemie (Seuil), capable de coucher quelques lignes dans la salle d’attente d’un dentiste. Unique exigence de cette itinérante : « Je dois avoir le sentiment de solitude.»

Pour certains, écrire à découvert est inimaginable. Philippe Besson est de ceux-là. Il interdit à quiconque de pénétrer dans sa tanière sans son autorisation. D’autre part, il ne dit jamais rien du livre en cours. Par superstition et crainte de la fausse couche : « C’est comme une grossesse. Tant que le livre n’est pas fini, je refuse d’en parler.»

Si Nathalie Rheims est terrifiée que l’on lise son grand cahier – à carreaux, perforé – c’est par crainte que l’on y découvre… ses fautes d’orthographe ! Réminiscence de sa scolarité lamentable, elle refuse que l’on lise ses mots réduits à leur plus simple appareil. Et à part cette manie ? Chaque matin, à partir de la Toussaint, le jour à peine naissant, le réveil la surprend dans son désir d’écrire et sa chemise de nuit de grand-père. Et ainsi jusqu’en avril. L’auteur achève son nouveau livre à l’arrivée du printemps.

Claire Castillon a aussi son horloge interne. Depuis Le grenier (Anne Carrière), son premier roman, chaque 20 décembre sonne l’heure de la remise de manuscrit. Au départ, – symbolique – l’envoi par la Poste du Grenier coïncida avec le départ en vacances d’un amoureux. Cette date est devenue son échéance.

La ritualisation de l’écriture : un filet psychique nécessaire

Peu invalidants, ces rituels procèdent le plus souvent de la pensée magique : « Si je pense, fais ou dis cela, il va arriver ceci ». Mais il arrive que certains écrivains, sans doute rongés par l’anxiété, soient en proie à des obsessions plus handicapantes. Le psychiatre Christophe André, auteur de Petites angoisses et grosses phobies (Seuil), édifie un pont entre création et phobies: « Ce sont des pathologies de l’hypersensibilité», explique-t-il.

La ritualisation de l’écriture, les tics de l’écrivain soulignent la nécessité d’un filet psychique. « Il y a d’autant plus de rituels qu’il y a d’incertitude », analyse le psychiatre Christophe André. Le doute, souvent indissociable de l’acte de créer, suscite des conduites allant du seul désir d’agencer son univers (ne pas travailler dans le désordre) à l’extravagance la plus folle. Et, à chaque auteur, son ordonnancement ! source l’Express 02/2004

Pour ma part, c’est plutôt « cafetière à proximité ». C’est rassurant car c’est une toute petite manie. Quand j’ai commencé à fouiller un peu pour écrire cet article… ouf !

Quelles sont manies d’écrivain ? Merci de les partager en commentaires !

 

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