La littérature étant peu rémunératrice, les écrivains exercent presque toujours une activité. Cet emploi influence-t-il leur œuvre ? Comment réagit leur entourage professionnel ?

 

 

Concilier métier et écriture

 

Pour entrer dans le vif du sujet, citons l’exemple de Philippe Thirault.

Atteint dès l’âge de sept ans par le virus de l’écriture, Philippe Thirault a d’abord noirci les blocs d’ordonnance de son père chirurgien, puis, jeune adulte, écrit des scénarios de BD, des pièces de théâtre et plusieurs dizaines de nouvelles, sans succès.

En 1998, il voit enfin publié Hémoglobine blues, son premier roman (rédigé en 1995). Mais à raison de 7 francs  à l’époque (environ 1,35 euros) gagnés par ouvrage vendu, les 30 000 francs (environ 5867 euros) qu’il perçoit en 1998 demeuraient insuffisants pour vivre. Il resta donc à son poste chez Ipsos, où il encadrait des enquêteurs, pour un salaire annuel de 80 000 francs (15381 euros).

Comme la plupart des écrivains-travailleurs, Philippe Thirault restait condamné à une perpétuelle insatisfaction. Au bureau, il demeurait taraudé par le sentiment de perdre son temps et son talent. Et, devant son manuscrit, il était limité par la fatigue et la nécessité de se lever tôt le lendemain.

Mais le bureau ne procure pas qu’une sensation de gâchis. Plongés de force dans une bourdonnante collectivité, les écrivains ont accès à toutes sortes de caractères, sentiments, conflits, qui peuvent aiguiser leur réflexion et inspirer leur écriture. Le travail peut aussi mettre l’écrivain aux prises avec toutes sortes de problèmes moraux, susceptibles de le poursuivre jusque dans ses romans.

 

Trouver le temps d’écrire

 

Ainsi, des tiroirs du bureau peut donc sor­tir un tas d’impressions et de souffrances fécondes. Encore faut-il garder du temps pour les exploiter.De ce point de vue, la législation a beaucoup fait pour la littérature. Les 50 heures de travail hebdomadaires en vigueur au début du siècle ont sans doute gâché de nombreuses vocations.

Robert Sabatier, élu à l’académie Goncourt en 1971,  racontait la dureté de ses débuts ouvriers, dans les années 30 : « J’étais apprenti dans une impri­merie. On travaillait 48 heures par se­maine. Je faisais des livraisons en voiture à bras, harnaché comme un cheval. De temps en temps je m’arrêtais et je lisais. Mais il était difficile de garder des forces pour l’écriture. »

Aujourd’hui avec les 35 heures, les auteurs peu­vent souffler. Mais quel rythme d’écriture adopter, qui épouse harmonieusement les courbes de la vie professionnelle ?

Certains se débrouillent pour travailler quotidiennement à leur récit. Mais il est difficile, lorsque le ré­cit est interrompu par une journée de travail, de lui garder une tension et une tonalité constantes.

Pour ceux qui répugnent à écrire par intermittence, il reste de larges plages de temps. Aujourd’hui, le marché du travail offre plus de souplesse : 35 h, RTT, compte épargne temps…

Mais le temps n’est pas tout. Il faut aussi économiser son énergie. Et pour cela, éviter les travaux stressants. Les meilleures places se trouvent dans la fonction publique, où la recherche de productivité est encore modérée et les possibilités d’évasion (congé maladie, mise en disponibilité…) nombreuses. Il est recommandé par ailleurs de tout faire pour rester au bas de l’échelle : plus on grimpe dans la hiérarchie, plus le travail requiert des ressources nerveuses ! Entre nous soit dit, je n’ai rien contre les fonctionnaires.

Et l’entourage professionnel ?

 

Une fois le roman paru, il reste à se dépêtrer d’une dernière difficulté : les réactions de l’entourage professionnel. Elles sont rarement positives. Certaines personnes croient se reconnaître et vous en veulent. D’autres vous évitent, craignant de figurer un jour dans vos romans.

Dans le pire des cas, l’œuvre déclenche un courant de jalousie et de suspicion, qui compromet la carrière de l’auteur au sein de l’entreprise.

Mais il arrive que la publication ré­serve de bonnes surprises. Après la publication de son premier roman, Portraits d’automne, Roger Wallet reçut un mot touchant de l’inspecteur d’académie de l’Oise dont il se savait mal vu. « S’il n’avait pas aimé mon livre, peut-être n’aurais-je pas obtenu aussi facilement ma mutation au centre de documentation départemental. Un poste qui me laissera plus de temps pour écrire », expliquait-il.

Dans certains cas il se crée même, au­tour ou à partir de l’écrivain nouvelle­ment éclos, une solidarité littéraire. Michel Houellebecq postula pour un emploi à l’Assemblée nationale et réussit en 1990 le concours extérieur d’adjoint administratif au service informatique. Ce revenu assuré lui offrit la tranquillité dont il a besoin. En 1996, ayant acquis l’ancienneté nécessaire et voulant se consacrer à l’écriture, il demanda sa mise en disponibilité.

 

Enfin hormis ces cas particuliers, nous en sommes tous à jongler avec nos plannings pour dégager du temps et écrire selon nos envies !

À vos succès d’écriture…

 

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