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Entrer en littérature : Premiers romans et primo-romanciers dans les limbes

Bertrand Legendre et Corinne Abensour
(Editions Arkhê, 2012)

 

Voilà un livre très intéressant. Il ne s’agit pas d’un roman mais d’une enquête sur les processus d’entrée en littérature. Les auteurs Bertrand Legendre et Corinne Abensour spécialistes de l’édition contemporaine, s’intéressent à la fois au premier roman et aux primo-romanciers.

L’étude, menée sur la période 1988–2008, révèle les stratégies des auteurs en vue d’accéder à la publication. Elle dévoile également leurs critères dans le choix des éditeurs, leurs modes de prise de contact, ainsi que leurs représentations des politiques éditoriales. La destinée des premiers romans et de leurs auteurs y est étudiée en profondeur, chiffres à l’appui. L’enquête remet en cause nombre d’idées préconçues.

Quel profil ont les primo romanciers ?

 

Tous les auteurs n’ont pas le profil romantique du jeune romancier artiste, comme Raymond Radiguet qui publiait à 20 ans Le Diable au corps ou Françoise Sagan Bonjour Tristesse, à 19 ans.

Alexis Jenni avait 48 ans quand son premier livre L’art français de la guerre a obtenu le prix Goncourt.

  • 25%  des primo-romanciers ont entre 41 et 50 ans,
  • 25% plus de 50 ans.

Une étude similaire menée en Angleterre a confirmé sensiblement les mêmes résultats :

  • 58% des primo-romanciers britanniques ont entre 40 et 59 ans au moment de la publication de leur livre,
  • 8% seulement avaient moins de 30 ans.

Par ailleurs, l’enquête montre que les primo romanciers ne sont pas vierges de toute pratique d’écriture :

  • 62% d’entre eux ont déjà eu accès à la publication lors de la parution de leur premier roman
  • 30% ont déjà publié des articles,
  • 16% des nouvelles,
  • 11% des poèmes
  • et 9% des essais.

Remarque : lors de la publication de son premier roman, Adam Haberberg paru chez Albin Michel en 2002, Yasmina Reza est déjà un auteur de théâtre confirmé.

 

Chez les écrivains, les auteurs de premiers romans ont un métier qui assure le quotidien :

  • 19% de ceux qui ont fait l’objet de l’enquête de Bertrand Legendre et Corinne Abensour sont enseignants ou chercheurs, le chiffre passe 23% si on ajoute les étudiants.
  • 14% pratiquent l’un ou l’autre des métiers des arts ou du spectacle,
  • 13%  travaillent dans les métiers du livre
  • 12,5% ceux de l’information et de la communication.

Que deviennent les primo-romanciers ?

Après la publication d’un premier texte, le parcours des écrivains n’est pas tout tracé. La publication d’un deuxième roman dans la même maison d’édition n’a en effet rien d’acquis.

Le deuxième roman est même toujours un moment délicat. L’auteur ne bénéficie plus de la curiosité, de l’attention voire de l’indulgence ou de l’a priori favorable du premier. Il est attendu au tournant.

Pour des raisons diverses, l’étude révèle que :

11% des auteurs renoncent et ne publient plus de romans,

21% ont écrit un second ou plusieurs romans qui n’ont pas été publiés mais 68% poursuivent leur carrière d’auteurs. Pour ceux-là, il reste à construire une carrière d’auteur et finalement, c’est là que tout commence vraiment.

Enfin, Bertrand Legendre et Corinne Abensour étudient les relations avec les éditeurs qui choisissent plus qu’ils ne sont choisis par les primo-romanciers.

D’une manière générale, les primo-romanciers s’intéressent assez peu aux caractéristiques des contrats et 10% d’entre eux ignorent même le chiffre du premier tirage de leur livre.Dans 64% des cas, celui-ci est inférieur à 3000 exemplaires, 26% bénéficient d’un tirage supérieur et seuls 4% ont eu un premier tirage supérieur à 10000 exemplaires.

Que dire de ce livre ?

Il est passionnant et pertinent. Cette étude inédite sur le processus d’entrée en littérature méritait vraiment d’être menée. Je vous conseille la lecture de l’ouvrage.

Mais peut-être avez vous lu ce livre ? Qu’en avez-vous pensé ? N’hésiter pas à donner votre avis.

 

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