personnagesIl y a peu, dans un commentaire, un des lecteurs du blog, souhaitait un article sur la façon de décrire un personnage dans une histoire…

 

 

 

Son commentaire disait :

« Bien souvent, ça ressemble à un patch qui vient se greffer au texte et on a l’impression que l’auteur le fait parce qu’il faut bien. On dirait un descriptif pour personne disparue. »

Y a-t-il des exemples littéraires pour s’en inspirer ?

 

Ainsi, il ne parlait pas de la construction du personnage dont j’ai déjà parlé dans cet article mais de la façon d’utiliser les informations de la fiche pour décrire son personnage.

 

D’abord, revenons à la définition…

 

1 / Le personnage de roman

 

Le personnage de roman a un physique, un caractère, une origine sociale, une activité, une famille, des amis… Par ses intentions et ses motivations, il fait progresser l’action. Sa personnalité se construit donc au long de l’intrigue. Son destin évolue au fil de l’histoire, des événements et des péripéties imaginés par l’auteur.

La fiche personnage est un outil de base très utile et très complète qui sert à la description du personnage dans le roman. Mais pas question de prendre les infos brutes et de les enfiler les unes derrière les autres. Car très vite, cela donnera l’impression « d’un descriptif pour personne disparue ». D’où également tout l’intérêt d’une structure du roman qui aide à « saupoudrer » ça et là au fil du roman, les informations recueillies dans la fiche personnage et nécessaires à l’intrigue.

 

2 / La fonction du portrait

 

Quelles sont les fonctions du portrait ?

  • Faire vrai :

Des indices, des détails donneront l’impression que le personnage est une personne réelle.

  • Représenter la catégorie sociale

Le décor et les objets qui entourent le personnage révèlent toutes les caractéristiques de son milieu social.

  • Symboliser les valeurs ou les idées du personnage

Le personnage incarne ses valeurs, ses idées à travers ses actions, ses paroles et ses relations aux autres.

 

3 / Composition d’un portrait

 

Pour bien composer le portrait d’un personnage, il faut :

se le représenter avec précision ;

lui donner une identité et un nom ;

établir une fiche personnage ;

utiliser les outils de la description et de la caractérisation :

  • les expansions du nom : épithètes, compléments du nom, propositions subordonnées relatives, les appositions et les attributs du sujet ;
  • un vocabulaire précis ;
  • des figures de style comme la comparaison et la métaphore ;
  • des constructions de phrases variées ; il faut éviter de commencer la plupart des phrases par : Il (Elle) a… Il (Elle) est… ;

choisir la manière dont on veut présenter le personnage :

  • La caractérisation peut être directe.

Dans ce cas, la description du personnage est faite d’emblée par le narrateur ou un autre personnage.

 

Exemple : Ce texte extrait de Madame Bovary est la première page du roman de Flaubert.
Le nouveau s’appelle Charles Bovary. Il sera plus tard l’époux malheureux d’Emma. Il apparaît, dès la première scène, comme un personnage décalé. Et tout au long de ce texte, Charles apparaît socialement, physiquement et psychologiquement différent des autres

 

Nous étions à l’Étude, quand le Proviseur entra suivi d’un nouveau habillé en bourgeois et d’un garçon de classe qui portait un grand pupitre. Ceux qui dormaient se réveillèrent, et chacun se leva comme surpris dans son travail. Le Proviseur nous fit signe de nous rasseoir ; puis, se tournant vers le maître d’études :

– Monsieur Roger, lui dit-il à mi-voix, voici un élève que je vous recommande, il entre en cinquième. Si son travail et sa conduite sont méritoires, il passera dans les grands, où l’appelle son âge.

Resté dans l’angle, derrière la porte, si bien qu’on l’apercevait à peine, le nouveau
était un gars de la campagne, d’une quinzaine d’années environ, et plus haut de taille
qu’aucun de nous tous. Il avait les cheveux coupés droit sur le front, comme un chantre
de village, l’air raisonnable et fort embarrassé. Quoi qu’il ne fût pas large des épaules,
son habit-veste de drap vert à boutons noirs devait le gêner aux entournures et laissait
voir, par la fente des parements, des poignets rouges habitués à être nus. Ses jambes, en
bas bleus, sortaient d’un pantalon jaunâtre très tiré par les bretelles. Il était chaussé de
souliers forts, mal cirés, garnis de clous.

On commença la récitation des leçons. Il les écouta de toutes ses oreilles, attentif
comme au sermon, n’osant même croiser les cuisses, ni s’appuyer sur le coude, et, à
deux heures, quand la cloche sonna, le maître d’études fut obligé de l’avertir, pour qu’il
se mît avec nous dans les rangs. Nous avions l’habitude, en entrant en classe, de jeter nos casquettes par terre afin d’avoir ensuite nos mains plus libres ; il fallait, dès le seuil de la porte, les lancer sous le banc, de façon à frapper contre la muraille en faisant beaucoup de poussière ; c’était là le genre.Mais, soit qu’il n’eût pas remarqué cette manœuvre ou qu’il n’eût osé s’y soumettre, la prière était finie que le nouveau tenait encore sa casquette sur ses deux genoux. C’était une de ces coiffures d’ordre composite, où l’on retrouve les éléments du bonnet à poil, du chapska, du chapeau rond, de la casquette de loutre et du bonnet de coton, une de ces pauvres choses, enfin, dont la laideur muette a des profondeurs d’expression comme le visage d’un imbécile. Ovoïde et renflée de baleines, elle commençait par trois boudins circulaires ; puis, s’alternaient, séparés par une bande rouge, des losanges de velours et de poils de lapin ; venait ensuite une façon de sac qui se terminait par un polygone cartonné, couvert d’une broderie en soutache compliquée, et d’où pendait, au bout d’un long cordon trop mince, un petit croisillon de fils d’or, en matière de gland. Elle
était neuve ; la visière brillait.
– Levez-vous, dit le professeur.
Il se leva ; sa casquette tomba. Toute la classe se mit à rire.
Il se baissa pour la reprendre. Un voisin la fit tomber d’un seul coup de coude, il la ramassa encore une fois.

GUSTAVE FLAUBERT, Madame Bovary,

 

  • La description pourra être positive ou négative, on choisira alors un vocabulaire mélioratif ou péjoratif.

 

« Noël, Noël ! » criait le peuple de toutes parts. C’était une merveilleuse grimace, en effet, que celle qui rayonnait en ce moment au trou de la rosace…
Nous n’essaierons pas de donner au lecteur une idée de ce nez tétraèdre, de cette bouche en fer à cheval, de ce petit nez gauche obstrué d’un sourcil roux en broussailles, tandis que l’œil droit disparaissait entièrement sous une énorme verrue ; de ces dents désordonnées, ébréchées çà et là, comme les créneaux d’une forteresse ; de cette lèvre calleuse, sur laquelle une de ses dents empiétait comme la défense d’un éléphant ; de ce menton fourchu ; et surtout de la physionomie répandue sur tout cela ; de ce mélange de malice, d’étonnement et de tristesse. Qu’on rêve, si l’on peut de cet ensemble.

L’acclamation fut unanime ; on se précipita vers la chapelle ; on fit sortir en triomphe le bienheureux pape des fous. Mais c’est alors que la surprise et l’admiration furent à leur comble : la grimace était son visage. Ou plutôt toute sa personne était une grimace. Une grosse tête hérissée de cheveux roux ; entre les deux épaules, une bosse énorme dont le contrecoup se faisait sentir par devant ; un système de cuisses et de jambes si étrangement fourvoyées qu’elles ne pouvaient se toucher que par les genoux, et, vues de face, ressemblaient à deux croissants de faucilles qui se rejoignent par la poignée ; de larges pieds, des mains monstrueuses, et, avec toute cette difformité, je ne sais quelle allure redoutable de vigueur, d’agilité et de courage ; étrange exception à la règle éternelle qui veut que la force, comme la beauté résulte de l’harmonie. Tel était le pape que les fous venaient de se donner.
On eût dit un géant brisé et mal ressoudé.

Victor Hugo. Notre-Dame de Paris

 

Découvrir le « décryptage » du portrait de Quasimodo (PDF)

 

4 / Écrire le portrait d’un personnage

 

a / le portrait physique et psychologique

Un personnage peut être décrit par son aspect extérieur, les traits de son visage, ses vêtements, sa voix, son allure…C’est le portrait physique.

Deux exemples :

C’est alors que je remarquais un type à l’allure bizarre, assis juste en face de moi, de l’autre côté du bar circulaire, et qui me regardait. Il était grand, les cheveux assez longs, bronzé et très musclé, avec un petit aigle tatoué sur l’avant-bras gauche. Mais le côté droit de son visage était déformé par une cicatrice noueuse et pâle qui accentuait légèrement son regard.
Jim Harrison. Un bonjour pour mourir

 

Le commissaire Quertier était affalé sur son bureau et lisait le contenu d’un dossier éparpillé sur le plateau. II leva vers moi une figure sans couleur, anormalement allongée, percée d’une bouche minuscule aux lèvres grises et sèches. II était chauve et pour ainsi dire dépourvu de sourcils. Seuls ses yeux très mobiles et d’un noir profond animaient son visage. […] Quertier se leva […]. C’était un homme d’une forte corpulence, plus grand que la moyenne, et qui portait sur ses épaules de catcheur une tête d’huissier.
Didier Daeninkcx. Tragic City Blue

 

b / Le personnage peut aussi être décrit par ses traits de caractère, ses qualités, ses défauts, ses goûts, son comportement… C’est le portrait psychologique.

 

Remarque : la première apparition du héros est l’occasion pour le lecteur de faire sa connaissance. Le portrait indique ses caractéristiques physiques et morales. C’est donc un passage important du récit.

 

Pour conclure, en structurant son histoire et en posant les intrigues principale et secondaire, on peut, grâce à la fiche personnage dûment rédigée, distiller les informations selon les besoins au fil de l’histoire. C’est de cette façon qu’on évite « le descriptif pour personne disparue ».

J’espère que dresser un portrait vous semble maintenant plus clair. Ensuite, en lisant, n’hésitez pas à noter la façon dont l’auteur a procédé pour présenter ses personnages et comment il les amène dans son histoire. Lisez pour mieux écrire !

 

À vos succès d’écriture…

 

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