Cet article fait suite à celui de la semaine dernière Faut-il avoir du style ou du talent ?

Quand on se lance dans l’écriture d’un roman, ce n’est pas pour l’abandonner au bout de trois mois faute d’idées… ou de style.

Pourtant, c’est ce qui arrive la plupart du temps. Après avoir eu l’idée, on imagine des personnages et avant même de réfléchir, on se lance dans l’écriture en espérant que l’inspiration et la grâce de la créativité feront le reste.

Alors on avance, doucement. Les premiers feuillets s’écrivent avec frénésie, le plaisir d’écrire est total. Mais au fil des semaines, l’écriture devient plus difficile. D’autant que si tout s’est bien passé,  l’histoire commence vraiment à prendre forme et quand vous relisez votre travail… vous trouvez le texte lourd, ennuyeux, sans rythme, pire, sans style. Or le style, c’est la marque inimitable d’un auteur.

Il ne sert à rien d’avoir de bonnes idées et d’excellents personnages si votre style éteint l’histoire que vous écrivez.

Alors, comment trouver améliorer son style ?

1/ Lire, lire et lire !

C’est en lisant que vous apprendrez et que vous vous ferez une meilleure idée de la qualité de vos descriptions, vos dialogues et de la crédibilité de vos personnages, de la richesse de votre syntaxe et de votre vocabulaire.

Pour le reste, vous pourrez améliorer votre style en travaillant sur le vocabulaire et sur la syntaxe

 2 / Travailler le  vocabulaire :

a) Choisir des mots expressifs – doser les noms, les verbes et les adjectifs.

En pratique, chacun de nous, selon sa personnalité, use d’une quantité du nom, du verbe ou de l’adjectif ou d’autres termes encore. Et cette utilisation n’est même pas consciente. Or maîtriser son style, signifie pour une bonne part maîtriser ce dosage en fonction de l’effet voulu.

Chez les auteurs confirmés, on remarque :

  1.  un certain équilibre entre les noms, les verbes et les adjectifs
  2. un déséquilibre voulu qui va dans le sens du but recherché

Les noms sont souvent majoritaires : 30% et plus
Les verbes viennent ensuite : 20% et plus
Les adjectifs sont en dernier : 10% et plus

Les écarts vis-à-vis des moyennes confèrent à un texte son accent particulier, en somme, c’est la marque de l’auteur.

On peut en outre émettre les règles suivantes :

  • L’utilisation préférentielle de verbes traduit la besoin de présenter les choses et les êtres de manière dynamique, sous l’angle de la vie et du mouvement. Autrement dit pour éviter l’ennui et la monotonie d’un texte, l’idée principale doit être portée par un verbe d’action.

Bannissez les verbes d’état ou faibles (être, avoir, faire, sembler, paraître…) et les verbes employés à l’infinitif, car ils perdent alors une bonne part de leur énergie.

Une autre manie courante consiste à diluer l’expression en remplaçant le verbe par une locution verbale. Corrigez ce défaut !

Ne dites pas : « apporter un remède », mais « remédier à »
Ne dites pas : « avoir la conviction », mais « croire que »
Ne dites pas : « procéder à une expérience », mais « expérimenter »

  • Le recours relativement fréquent à l’adjectif procède d’un souci de précision dans la caractérisation de la réalité. ex : N’écrivez pas : « une maison délabrée », mais « une masure »

Exercice : Pour prendre conscience de votre style, prenez plusieurs de vos feuillets rédigés. Puis munissez-vous de 3 surligneurs de couleurs différentes.

Définissez les codes couleur. Par exemple : le rose pour les noms, le bleu pour les verbes, le jaune pour les adjectifs. Et coloriez vos pages rédigées. Qu’observez-vous ? Tirez les leçons qui s’imposent

 b) éviter les mots outils

J’entends par là : les conjonctions, les adverbes, les propositions et les pronoms. Pourquoi ?

Parce qu’ils contrarient le développement dans la phrase formée de noms et d’adjectifs. Ensuite parce qu’ils contribuent à la lourdeur, voire à la maladresse du style.

Conclusion :

Certains ignorent l’usage de l’adjectif, d’autres abusent de l’impératif. D’autres enfin recourent facilement aux adverbes en –ment. Mais quand on abuse de ces mots là, mieux vaut être conscient d’un choix qui se fait le plus souvent à notre insu.

Je suis sûre que vous vous dites « mais alors, que faut-il faire ? » Concrètement, en relisant votre texte, examinez globalement, mais attentivement si dans le texte :

  • Vous n’avez abusé de certains types de mots (conjonctions adverbes, verbes)
  • Vous n’en a pas négligé d’autres (adjectifs)
  • Vous avez judicieusement distribué les différentes catégories de mots

3/ Travailler la syntaxe :

8 procédés courants pour transformer un texte ordinaire en texte littéraire :

  • Rechercher la variété des tournures

Bousculez l’ordre habituel de la phrase : sujet, verbe, complément  Le style peut devenir plat et très lassant s’il se répète à longueur de pages. Ne parle-t-on pas de « tourner ses phrases » ? Prenez cette expression au pied de la lettre.

  • Mettre la subordonnée en tête

L’ordre habituel de la phrase complexe est proposition principale + proposition subordonnée. On a souvent intérêt à renverser cet ordre et ce, pour 3 raisons :

  1. Mettre l’idée clé en tête, et donc en relief
  2. Varier le style
  3. Respecter l’ordre naturel

Ex : je ne suis pas sortie parce qu’il a neigé

Parce qu’il a neigé, je ne suis pas sortie (il a neigé d’abord et non pas ensuite.
C’est parce qu’il a neigé que je ne suis pas sortie (avec un représentatif pour renforcer)
Il a neigé : voilà pourquoi je ne suis pas sortie (avec un présentatif pour souligner la cause)

  • Alléger la subordonnée par une expression

Les phrases longues et lourdes proviennent du nombre et de la longueur des propositions subordonnées. Il est souvent possible de les alléger en supprimant le second verbe.

Ex : Ayant appuyé lourdement sur la poignée, il ouvrit la porte.
D’une main lourde, il ouvrit la porte.
Ex : Il traversa la rue pour avoir du soleil et de la chaleur.
Il traversa la rue vers le soleil et la chaleur.
Ex : Il arriva avec une voiture qu’il avait louée.
Il arriva avec une voiture de location

Ce procédé est recommandé pour raccourcir les phrases trop longues.

  • Varier les tournures des verbes

On peut varier le mode d’énonciation : au mode déclaratif basique s’opposent 4 autres modes : exclamatif, interrogatif, impératif et optatif

Un exemple ? Déclaratif : Il fait l’idiot.
Exclamatif : Il fait l’idiot !
Interrogatif : Fait-il l’idiot ?
Impératif : Fais l’idiot !
Optatif : Puisses-tu faire l’idiot !

b/ on peut varier le mode grammatical : le mode indicatif est le mode de la réalité objective. Les autres modes expriment la subjectivité : la virtualité, le désir, la volonté de celui qui parle.

Ex : le conditionnel subordonne l’idée à une condition : Je viendrais s’il faisait beau

  •  Varier la voix en préférant la voix active

À la voix active, où le sujet fait l’action, s’opposent :

La voix passive, où il subit l’action
La voix pronominale qui cumule les deux
La voix impersonnelle qui gomme le sujet réel

Remarque : la voix pronominale est souvent moins lourde que la voix passive

Ex : Ce livre est composé de 15 chapitres.
Ce livre se compose de 15 chapitres

  • Augmenter ou atténuer son expression

Pour cela on recourt à divers procédés :

a/ les procédés dit d’emphase ou d’insistance

(avec un adjectif) ex : « Remarquable, cette pièce de théâtre est remarquable. »
(avec un adverbe) ex : « Certainement, je veux vous rencontrer. »
(avec le superlatif) ex « C’est le plus grand acteur de son siècle »

b/ les procédés d’expression retenue

(avec la litote) : « Ce résultat n’est pas inintéressant (double négation pour une affirmation).

(avec l’ellipse =suppression d’un mot) : il fait un de ces froids (sous-entendu : glacial)

(avec le conditionnel) : j’aurais voulu vous rencontrer (sous-entendu : si vous le voulez bien)

Remarque : Dans les romans, les procédés d’emphase sont fortement recommandés.

  • Oser la phrase nominale

Ce procédé permet de rendre le style plus vif. Il crée des effets rythmiques intéressants, mais comme toute bonne chose, il ne faut pas en abuser.

  • Oser les rythmes et répétition

L’école nous a enseigné de varier notre vocabulaire et d’éviter les répétitions. C’est judicieux, mais on peut aussi prendre un peu de liberté avec cette contrainte pour créer des effets. Pensez-y !

Enfin, toute phrase possède un rythme, c’est-à-dire une certaine rapidité ou lenteur, un balancement, des ruptures, des développements, des reprises, qui aident à l’expression des idées ou des sentiments. On peut donc employer des phrases de longueur et de structures variées pour donner plus d’éloquence et d’énergie au récit, c’est le cas des phrases simples qui permettent de condenser la pensée et d’exprimer avec vigueur une émotion, ou bien les phrases complexes qui confèrent plus de précision et de logique à une idée, une hypothèse, un raisonnement.
Pensez donc à varier le rythme de vos phrases.

Voilà quelques pistes à fouiller pour enrichir et améliorer votre style.

À vos plumes !

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